Vauvert le 31/01/2015 - Lettre N°14

Lettre d'information N°14

 

Bonjour,

Je tiens en premier lieu à vous adresser aujourd'hui tous mes vœux pour cette nouvelle année 2015.

Il ne s'agit pas dans mes propos de faire un raccourci déplacé entre les évènements terroristes de ce début d'année à Paris et la violence  engendrée par les chauffards de la route, mais force est de constater que les points communs de ces deux phénomènes sociétaux dramatiques propres à notre monde actuel sont deux réels sentiments de danger et d'insécurité permanents.

Ces dangers ont, entre autres, dans leurs similitudes le point commun de frapper des victimes innocentes n'importe où et n'importe quand. 

Ils renforcent dans la population ce sentiment d'angoisse permanent, visiblement incontrôlé ou tout au mieux difficilement contrôlable. 

Ainsi, il est, je pense, dramatique de vivre aujourd'hui en 2015, dans notre société, avec dans le coin de sa tête cette idée qui revient malheureusement certainement trop souvent : " pourvu que cela n'arrive pas à ma famille, à mes proches et à moi-même..."

Notre sécurité résulterait-elle, aujourd'hui dans notre pays, du principe de la roulette russe ou bien du hasard bienfaisant ?

C'est malheureusement ce que vous diront beaucoup de parents et familles de victimes, rongés, eux, par un immense sentiment d'injustice, de "coup du sort" qu'ils ne peuvent accepter.

Aujourd'hui, l'actualité m'y aidant, j'ose le dire : les chauffards, dans leur personnalité, n'ont rien à envier aux terroristes en question car les caractéristiques qui les définissent sont très similaires : immatures, irresponsables, lâches, insensibles et sans scrupules, bafouant les règles que la majorité d'entre nous respecte, et s'enfuyant la plupart du temps après leurs actes, comble de l'ignominie...

Ils brisent des familles entières, plongeant celles-ci dans la détresse et une souffrance telles que rien ne pourra les apaiser.

Rien... sauf peut-être l'espoir que nos institutions et responsables politiques montrent que notre pays est doté de moyens qui répondent à leurs attentes dans ces moments dramatiques : une attention particulière, un soutien, et surtout une vrai justice...

Une justice rendue, pas supposée...

Une justice engagée, pas attentiste

Une justice évolutive, pas archaïque

Une justice compréhensive, pas bornée

Ce sentiment de justice qui pourra peut-être un jour leur apporter un peu d'apaisement...

Alors au moment ou nos responsables politiques ont la lourde charge de préserver aux citoyens Français ce droit à la sécurité et à la liberté, nous avons dans l'espoir que toute manœuvre politique décidée engendrera aussi plus de sécurité sur nos routes, à l'heure ou 2014 figure comme une année de retour à la hausse de la mortalité routière.

Nous tenons à rappeler que les mesures annoncées ce lundi 26 Janvier par notre gouvernement envers l'ensemble des automobilistes pour réduire "un premier type de mortalité routière", ne doivent pas occulter le phénomène qui nous interpelle, nous, victimes des chauffards.

Victimes qui refusent d'être associées au "destin", "au malheureusement prévisible", ou si vous préférez au "tribut à payer".

Je veux parler du phénomène de " l'autre mortalité routière", celle dont on parle peuCelle qui n'est pas accidentelle, car provoquée, elle, par une frange minoritaire irresponsable, sans aucun rapport avec l'univers accidentogène qui nous entoure.

Cette catégorie de conducteurs, provoquant des accidents dont l'origine scandaleuse n'est jamais apparente dans les statistiques, jamais dissociée des "vrais" accidents de la circulation.

Quelle part des accidents de la route n'en sont pas et sont causés par l'irresponsabilité, la violence volontaire et non la malheureuse fatalité ?

Alors renforcer la répression et les mesures envers tous les usagers, n'est-ce pas là un message soporifique pour, en quelque sorte, masquer en même temps un problème tout aussi grave, celui de la criminalité routière ?

Il est curieux et incompréhensible que dans les mesures engagées par notre gouvernement, aucune ne fasse référence à ces comportements routiers criminels, que ce soit en matière de prévention ou de répression.

Je souhaitais revenir aussi sur le procès en appel du 18 Décembre 2014 des responsables de la mort de Charlotte.

Bref rappel :

Depuis le début de l'instruction, nous réclamons et c'est l'objet de notre combat :

1 - que dans certains cas les chauffards (cas de Lhoussain Oulkouch responsable direct de la mort de Charlotte) ne puissent être jugés sous couvert de l'article 221-6-1 du code pénal par un tribunal correctionnel.

- lorsque l'accumulation des circonstances aggravantes et le comportement ne peuvent être associés à "l'imprudence ou la maladresse".

Dans ce cas, l'article du code pénal 221-6-1 doit être abandonné, en l'état actuel de notre droit, pour l'article 222-8 alinéa 10 de "violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner avec une arme : la voiture".

2- que dans la quête des responsabilités ayant conduit au drame, il s'impose à la justice de rechercher ces responsabilités et de les traduire devant le tribunal compétent : cas de mustapha Bouchane, coresponsable de la mort de Charlotte, cas du coresponsable de la mort de Charlotte Lagache.

En vertu de l'article 121-3, si cette responsabilité est clairement établie, les responsables indirects doivent être jugés et condamnés.

En première instance, le 2 Janvier 2014, Lhoussain Oulkouch, responsable direct a été condamné pour homicide involontaire à 6 ans d'emprisonnement.

Le 4 Mars 2014, par citation directe, Mustapha Bouchane coresponsable a été condamné pour homicide involontaire à 1 an d'emprisonnement dont 6 mois ferme.

Ce 18 Décembre, devant la double défense de Bouchane et Oulkouch, creuse et usant d'arguments irrespectueux envers les victimes, la plaidoirie de Maître Jean Robert Phung,  fut, elle, complètement axée vers les deux objectifs de notre association en mémoire de Charlotte et des autres victimes de tels chauffards.

La surprise et la stupeur venant de l'avocat général osant affirmer que pour lui le combat que nous menions avec les familles de victimes était animé par "l'émotion" plus que par " la raison". Difficile à entendre...

Le délibéré sera rendu ce Jeudi 5 février à la Cour d'Appel de Montpellier, le ministère public ayant réclamé 7 ans d'emprisonnement envers Lhoussain Oukouch et 1 an de prison dont 6 mois ferme envers Mustapha Bouchane.

L'arrêt rendu par la Cour d'appel ne sera peut être pas à la hauteur de nos attentes, car il semble que notre justice ne soit pas décidée à l'entendre ainsi, et à franchir ce cap pourtant à leur portée...

Dans le discours prononcé, l'important pour l'association et pour les victimes, était de rester dans la logique du combat engagé depuis près de deux ans et ce combat légitime nous sommes certains et déterminés de le gagner un jour.

En fonction du délibéré prononcé ce Jeudi 5 Février, fidèles à nos convictions et pour honorer notre engagement envers l'ensemble des victimes à nos côtés , nous prendrons les décisions nécessaires pour faire front en saisissant tous les recours judiciaires à notre disposition.

Pour comprendre la réticence des juges, il apparaît que le point essentiel du débat est la frontière entre la notion de violence volontaire et celle de l'homicide involontaire. Pour nous, la frontière est franchie, et cela notre justice refuse de l'admettre.

C'est la frontière entre ce que l'on appelle l'accidentologie qui relève de la maladresse et de l'imprudence et celle du comportement volontairement dangereux qui brise des vies.

Ainsi le message de notre association est clair :

Dans l'attente d'une refonte de la loi pénale sur les violences routières commises par des chauffards de la route entraînant la mort, les juges d'instruction se doivent de mettre en examen, par l'article 222-8 alinéa 10 et de renvoyer devant la juridiction compétente (en l'occurrence la cour d'assise) ces personnes pour y être jugées.

Depuis trois mois, le partenariat de l'association engagé avec la Faculté de droit de Nîmes porte l'espoir de mettre en avant ce disfonctionnement flagrant et va inévitablement prouver que notre législateur se doit de reconsidérer la loi existante car celle-ci n'est plus adaptée aux comportements criminels en cause.

Ce travail très important engagé par les étudiants est l'objet de recherches longues et complexes sur les statistiques routières, les jurisprudences, le droit comparé, les jugements inégaux rendus par les tribunaux correctionnels suivant les juridictions saisies.

Il permettra à terme de proposer une nouvelle loi mais en attendant cette échéance, le partenariat va s'attacher :

1 - à proposer un guide d'assistance pour les familles des victimes destiné à les aider et leur proposer les démarches adéquates lorsqu'un drame survient.

2- à pouvoir permettre aux victimes d'accéder à une liste (annuaire) d'avocats partenaires de notre démarche qui demanderont systématiquement la requalification lorsque celle-ci sera justifiée.

De plus, nous avons eu le plaisir d'apprendre récemment que l'Université de Droit Champollion de Toulouse venait d'accepter la thèse d'état d'un jeune étudiant :

le sujet est "Etat des lieux : réflexions et propositions pour une nouvelle législation sur la délinquance et la criminalité routière". Nous sommes heureux de ce projet, et l'association mettra tout oeuvre pour faire en sorte que cette thèse soit une réussite.

L'appui du monde étudiant universitaire prouve que notre démarche se projette logiquement vers le futur, que nos convictions ne sont pas passéistes.

D'autres échéances arrivent, celles de procès qui méritent que notre association soit présente pour aider les victimes d'un système judiciaire  devenu incompréhensible en matière de délits routiers trop graves pour être considérés comme de simples accidents de la circulation.

Nous devons donc continuer à être mobilisés car il en va de notre responsabilité de prouver aux pouvoirs publics qu'il n'est plus acceptable que la population se sente si mal protégée.

Il est de leur devoir de mettre tout en œuvre pour sanctionner à la hauteur de leurs actes les conducteurs irresponsables et volontairement dangereux.

Nous acceptons la thèse de l'accident mais pas celle de la violence routière meurtrière programmée...

Le quotidien de l'association est fait de l'alternance de moments encourageants et éprouvants (instructions, procès, marches de soutien), vous vous en doutez.

Alors plus on se sent soutenus, plus on avance dans la bonne direction en laissant le plus possible de côté le pire, afin d'envisager le meilleur.

Je compte donc sur vous pour maintenir cet engagement car nous gagnerons ce combat, ce n'est qu'une question de temps.

Le but de notre association, vous l'avez compris, va bien au-delà d'un besoin de justice de la part des victimes :

il projette d'augmenter indirectementpar une loi adaptée, la sécurité de tout citoyen (qu'il soit piéton, cycliste ou automobiliste), empruntant notre infrastructure routière.

Merci et à très bientôt,

Bien cordialement,

Stéphane LANDAIS

Association Charlotte Mathieu Adam

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